Adèle Renault

Gutter Paradise

2021

Sous commissariat de Michaël Nicolaï

La peinture d’Adèle Renault est la seule intervention visible depuis l’espace public parmi les neuf pièces réalisées dans les parkings du Parlement sous commissariat de Michaël Nicolaï.

Relevons d’emblée que les plumes de pigeon ne sont pas pour Adèle Renault un sujet de circonstance. L’artiste décline ce thème tant dans son œuvre sur toile que dans des peintures monumentales. Son exposition à la Unrully Gallery (Amsterdam, 2013) constitue la première manifestation de son intérêt pour les pigeons qu’elle traite d’abord comme des portraits. S’ensuivent des « murals » un peu partout dans le monde et aux Etats-Unis surtout. En 2015, à Chicago, elle présente #campthepigeon dédié à un oiseau « haut de gamme déposé par les charpentiers (qui, en remplaçant les fenêtres avaient détruit le nid), trouvé et adopté par un couple » (in Feathers and Faces. Adele Renault, s.l., 2018, p. 59). Deux ans plus tard, pour une série de toiles à l’huile, elle prend ses quartiers à New Jersey, au Tyson’s Corner sur le toit du Ringside Lounge où le sulfureux champion du monde « poids lourds » s’occupa d’un véritable élevage. Il y a encore le portrait d’un « athlète » volant nommé Narbonne dans le cadre de l’exposition Art Public Liège (2020) et bien d’autres choses.

Définition
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Depuis 2016, avec une série intitulée Gutter Paradise, les thématiques évoluent et, pour reprendre le mot d’Alexandre Latscha : le détail devient sujet. Ce n’est plus que le plumage qui intéresse Adèle Renault. Elle peut laisser cours à la virtuosité de sa manière, laquelle s’ancre au beau métier de la peinture académique suivant un savoir-faire acquis au long d’une formation achevée aux Beaux-Arts de Bruxelles en 2010. Autre particularité de l’évolution de sujet : l’absence de fond. Ici, il n’y a pas un cm2 de mur vierge ; en fait, il n’y a pas d’espace. C’est l’Horror Vacui : la moindre « surface de création » se trouve comblée, voire submergée suivant une esthétique maximaliste qui se rallie au « Less Is Bore » de Robert Venturi contre l’« Ornement et Crime » d’Adolf Loos pour refléter une part somme toute importante des sensibilités d’aujourd’hui. Certes, Adèle Renault perd l’effet d’étrange normalité qu’elle parvient à insuffler à ses monumentaux bustes de pigeon à la posture hiératique qui nous interpellent puis nous fixent de leur regard à l’iris hyper saturé. Elle appauvrit aussi la part de vision sociétale puisqu’il devient ici plus difficile de pointer les similitudes qu’elle relève par ailleurs entre le genre humain et les pigeons. Mais le travail gagne en valeur décorative : se trouvent exaltés la justesse de composition et des proportions mais surtout le traitement des couleurs qui lui permet de rendre les textures, la luminosité et les moires des plumes qui s’enchevêtrent.

Pierre Henrion

Définition
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