Elnino 76

1 BROL DE SALE DJONE

2021

Sous commissariat de Michaël Nicolaï

« El niño », c’est le gamin en espagnol, parfois aussi l’Enfant Jésus. C’est également l’appellation d’un phénomène climatique qui se traduit par des températures anormalement élevées de l’eau dans la partie orientale du Pacifique sud. C’est par ailleurs le pseudonyme du peintre qui est intervenu au niveau -1 des parkings du Parlement et qui désigne son activité comme un élément perturbateur de l’environnement. « Ce nom exprime encore un attachement au monde l’enfance, de l’adolescence, explique l’artiste. Je souhaite préserver la fraîcheur de ma mentalité lors de mes premiers graffitis. Quand je peins, j’y vais franchement et je m’amuse avec malice comme quand je le faisais dans l’illégalité d’une pratique ‘sauvage’. Même dans un cadre très officiel, mon travail a toujours le côté décalé. Et puis, 76, c’est l’année de ma naissance. » Huit ans plus tard, ELNINO reçoit sa première planche à roulettes – un cruiser en aluminium – et, via la culture « skate », s’initie au graffiti. Relevons sa prédilection pour les dynamiques de groupe et son adhésion à plusieurs communautés de graffeurs. On ne s’étonnera donc pas que son intervention au Parlement ai été mise en œuvre à quatre mains et soit co-signée avec The Cats.

Dans le parking du niveau -1, l’inscription « 1 BROL DE SALE DJONE » s’étire sur quatre murs. « Brol » signifie « désordre » ; c’est du brusseleir, le parler traditionnel du « peuple » de la capitale belge. « Djone » se traduit aisément : c’est « jeune » en wallon, le dialecte du sud du pays. Le reste, c’est du français. L’ensemble donne : « Un désordre de sale jeune » dans une forme d’esperanto qui puise à différentes langues de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour ELNINO76, l’affaire est bien simple : « C’est un bordel de jeune dans une institution très sérieuse ». Elle traduit aussi son intérêt pour les cultures populaires. On le retrouve dans les personnages de bande dessinée « made in USA » qu’il s’approprie parfois avec un humour grinçant. Dans la peinture du Parlement, tout le monde reconnaît Snoopy et deux des neveux de Donald Duck : Fifi en bleu et Riri en orange à côté d’un des trois louveteaux des Silly Symphonies. On voit encore Hot Stuff, le diablotin dessiné par Warren Kremer en 1957. Joe Bazooka, le gamin au cache-œil de pirate, est moins fameux aujourd’hui que voici un quart de siècle : il disparaît en effet en 2002 mais il avait depuis 1953 été le héros de plus de 1535 comic strip glissés dans les emballages d’un célèbre chewing gum américain. Dans le sas d’entrée au même niveau se dresse Mickey Mouse devant la signature de l’artiste … ou plutôt un peu près Mickey Mouse. La souris la plus célèbre du cinéma est un des personnages fétiches d’ELNINO76. Souvent, il brutalise son allure débonnaire parfois sous les traits d’un rat d’égout qu’il appelle Miket ou ici en lui donnant l’œil exorbité d’un rongeur rose sous substance qui détale dans une course souple. On dérive parfois très loin de la morale et de l’univers enchanté de Disney. Plus compliqué : les nombreuses références truffées dans les polices de caractère. L’artiste a puisé dans les lettrages Old School, dans le Handstyle Graffiti ou encore dans le genre futuriste italien. Les amateurs de baseball reconnaissent le B du logo des Brooklyn Dodgers et ceux qui aiment les friandises l’emballage « patriotique » des bonbons Tootsie Roll recyclé dans la lettre L …