Jacques Charlier
Jacques Charlier, La doublure du monde, 2009
Jacques Charlier est intervenu dans le hall d’attente de l’Hôtel du Greffe dans la foulée de la rénovation de l’accès principal du bâtiment confiée aux architectes Gauthier Coton et Xavier Lelion. L’artiste liégeois a pris en compte la totalité de l’espace.
Il a choisi les meubles de style, la boule de fruits artificiels sur son socle, les miroirs, le tissu bleu tendu aux murs, les reproductions de motifs décoratifs sur les portes, le ciel marouflé au plafond, la photographie montrant des jumelles dans une composition pour le moins théâtrale et, disposée au milieu du hall, une vitrine.
À l’intérieur de cette dernière, Charlier a disposé des images sur le thème du double. On y voit des clones, des copies, des sosies, des jumeaux, des frères. Il y a Marcel Duchamp et sa sœur Suzanne, les Dupond(t) dessinés par Hergé, Alice face à son miroir, Gilbert et Georges, Lech et Jaroslav Kaczynski, les Alessi Brothers, les séries gémellaires de René Magritte (Le portrait de Paul Nougé, La fin des contemplations ...), La Belle Rosine d’Antoine Wiertz, une exoplanète double, le sosie de Lady Diana …
Dans une note intitulée L’art et son double, Charlier désigne l’impact de l’attentat terroriste du 11 septembre 2001 comme l’origine de ses recherches : « L'événement a d'autant plus impressionné notre inconscient, qu'il est la répétition d'un même. A intervalles presque réguliers, deux avions identiques percutent deux tours jumelles, qui, sous l'onde de choc, s'autodétruisent et s'effondrent. Double catastrophe, l'une étant le miroir écho de l'autre. » Dans la vitrine, à côté d’une photographie montrant le World Trade Center encore debout se trouve un exemplaire de Power Inferno où le philosophe René Baudrillard fait le constat de la disparition de l’original au profit du simulacre.
Jacques Charlier ancre par ailleurs La doublure du monde à la personnalité de Fernand Khnopff (1858-1921). Il écrit rendre hommage au « couple » que ce maître belge de la peinture symboliste forma avec sa sœur qui le fascinait tant. Dans la vitrine, on peut voir leur photo. Il y a aussi une reproduction d’un pastel (Memories, 1889) où Marguerite est représentée pas moins de sept fois et un buste du dieu du sommeil Hypnos. Khnopff l’avait façonné d’après une tête gréco-romaine et l’a représenté dans plusieurs tableaux. Pour Charlier, la répétition d’un même « est déjà présente dans l'œuvre géniale et magique de Fernand Khnopff. Cet artiste, en recherchant l’idéal de l'étoile double, s’est projeté picturalement en tant que sosie de sa sœur Marguerite […] Cette fascination pour la sœur […] est proche de l'alchimie et de la connaissance acquise par la recherche de la pierre philosophale. Même tentative de reconstituer mentalement un moi divisé, refoulé. Même tentative d'abolition de la dualité conflictuelle homme-femme. Même nostalgie de l'androgyne primordial. »
Texte de M. Pierre Henrion